Le Manuel pratique du Père Magraine N°5 – Évaluer la salinité de son sol

Évaluer la salinité de son sol, ce n’est pas utile qu’aux zones côtières : les zones continentales aussi peuvent être touchées ! Votre sol est-il sujet à la salinisation ou en est-il épargné ? C’est l’objet de ce tuto !

1 – Avant-propos

2 – Matériel nécessaire

3 – Protocole

4-A – Évaluer la salinité de son sol en zone côtière

4-B – Évaluer la salinité de son sol en zone à pluie efficace insuffisante

4-C – Évaluer la salinité de son sol à fonctionnement horizontal

4-D – Évaluer la salinité de son sol hydromorphe de ville ou de remblais

4-E – Évaluer la salinité de son sol hydrophobe

5 – Expérience de confirmation et de correction

6 – Indiquer la salinité

7 – Quelques solutions

8 – Envie de contribuer ?

9 – Bibliographie

10 – Pour citer ce document

 

 

MPAvantPropos

Dans ce nouveau numéro, le Père Magraine va se pencher avec vous sur une épineuse caractéristique du sol : la salinité (la présence plus ou moins forte de sels). Pourquoi épineuse ? Pour plusieurs raisons : d’abord parce que les humains ne savent évaluer précisément la présence de sels que depuis relativement peu de temps (XXème siècle). Aujourd’hui, la seule technique reconnue pour évaluer la présence de sels dans un sol est difficilement accessible (elle est coûteuse, puisqu’elle nécessite l’achat d’un conductimètre). La seconde raison, c’est que la salinité peut faire des dégâts irréversibles avant d’être proprement diagnostiquée : nous avons tendance à attribuer ses méfaits, plutôt communs, à d’autres problèmes plus célèbres.

Pourtant la salinité gagne à être connue : tout comme l’érosion, à laquelle elle contribue, la salinisation des sols est aujourd’hui un problème global en pleine expansion, peu de plantes étant capables de lui résister (elles meurent littéralement de soif). La majeure partie des terres salées le sont par une cause naturelle, mais une partie non-négligeable l’est à cause des mauvaises pratiques humaines.

Pour toutes ces raisons, nous avons longtemps réfléchi avant de réaliser ce Manuel pratique du Père Magraine. Nous avons pris le parti de développer une méthode empirique, moins précise mais beaucoup plus abordable que l’achat d’un conductimètre, en analysant les informations de nombreux écrits scientifiques. Pour vous, ce sera très simple : elle repose sur des observations (la plupart ont déjà été réalisées lors des Manuels pratiques précédents), vous n’aurez donc qu’à vous laisser guider et à réaliser le ou les protocoles qui vous seront conseillés selon votre situation.

Cette méthode demande encore à être éprouvée. C’est pourquoi ce numéro sera sûrement amené à être retravaillé, d’après vos remarques !

Si vous n’avez pas pu réaliser les tests du Manuel pratique du Père Magraine 4 parce que :

  • vous vous trouvez sous un climat polaire.
  • votre sol est un sol de ville ou un sol fait de remblais.
  • votre sol est hydrophobe.

Ne vous inquiétez pas : ces cas seront traités ici !

 

 

MPMaterielNecessaire5 Évaluer la salinité de son sol

  • Votre carte établie lors du Manuel pratique du Père Magraine N°1 ou votre carte en format numérique éditable
  • Du matériel de prise de notes
  • Une calculatrice ou un logiciel calculateur, avec la touche « √ »
  • Un petit récipient
  • 8 pots de contenance équivalente (vous devez impérativement connaître leur volume pour pouvoir réaliser ce test)
  • Un peu de terre de votre sol
  • Du terreau non-enrichi
  • Du sel
  • De l’eau dé-chlorée (eau du robinet laissée à l’air libre une demi-journée)
  • Une balance de précision
  • Des petits cailloux
  • 8 élastiques
  • Du film plastique ou équivalent
  • Des semences d’une variété de salade et des semences d’une variété de tomate

 

 

MPProtocole

Ce protocole est un peu différent de ceux que vous avez déjà suivis : nous allons y traiter les différents facteurs qui peuvent amener la salinité. Une évaluation adaptée aux facteurs auxquels votre terre est soumise vous sera proposée !

Premier facteur : la géographie

La salinité ayant plusieurs origines et se comportant différemment selon elles, nous allons d’abord chercher à savoir si votre sol peut être soumis à une salinisation côtière ou à une salinisation continentale.

À combien de kilomètres de la mer se trouve votre terre ?

Pour le savoir, repérez simplement votre commune sur une carte de votre pays, et mesurez la distance qui la sépare de la côte la plus proche. Reportez ensuite votre résultat ci-dessous !

MP5Objet1 Évaluer la salinité de son sol

  • En zone côtière : votre sol est probablement naturellement salé. Réalisez directement l’évaluation de la salinité en zone côtière.
  • En zone continentale : votre sol est épargné par la salinisation côtière. Il peut tout de même être sujet à la salinisation continentale : poursuivez le protocole !
  • Incertitude : quel(s) type(s) de végétation spontanée observez-vous dans votre localité ?

 

Second facteur : la pluie efficace

Le second facteur déterminant pour la salinité, c’est la pluie efficace : il s’agit de la relation entre la température et la pluviométrie annuelles. Pour faire simple : quand la pluie tombe, acide car chargée en CO2, elle réagit avec le sol et produit une quantité infime de sels. Les plantes vont absorber cette eau (tout ou partie) et la transpirer, tandis que la chaleur va en évaporer une partie. À partir de là, il y a deux possibilités :

  • la pluviométrie est insuffisante : toute l’eau apportée sera consommée par les plantes et évaporée par le sol. Les sels produits  continueront de s’accumuler, faute d’eau pour les entraîner vers le bas.
  • la pluviométrie est suffisante : il reste de l’eau de pluie après que les plantes se soient servies, mais la question de la température demeure !
    • la température est trop élevée : une pluviométrie importante peut tout de même être insuffisante. Si les températures sont trop élevées, l’eau n’aura pas le temps de pénétrer le sol en profondeur, ce qui cause le même problème : une accumulation des sels.
    • la température est suffisamment basse : si la température le permet, les sels produits seront emportés vers le bas par le mouvement de cette eau (appelée « pluie efficace »), et finiront, longtemps après, par rejoindre les mers.

Alors, comment pouvons-nous évaluer ce lien entre pluviométrie et température ? Il nous faut calculer l’ETR (pour ÉvapoTranspiration Réelle) : c’est la quantité d’eau absorbée par les plantes et évaporée par la chaleur. Une fois que nous aurons cette donnée, nous pourrons savoir si l’eau de pluie est excédentaire (et donc si elle est « efficace », théoriquement capable d’entraîner les sels en profondeur) ou non. Munissez-vous de cette fiche de suivi : téléchargez-la, imprimez-la ou recopiez-la. Elle vous sera utile pour réaliser une bonne prise de notes. C’est parti !

 

La quantité de pluie efficace : trouver les données

Quelle est la pluviométrie annuelle relevée sur votre terrain ? La température moyenne annuelle ?

Pour pouvoir répondre à ces questions dès aujourd’hui, vous devez avoir relevé ces données régulièrement sur votre terrain. À défaut, les sites météorologiques de votre pays / région proposent sûrement des données similaires. En France, il s’agit du site de Météo France : sélectionnez les valeurs “annuelles” et naviguez entre les différents onglets de la carte pour obtenir températures et pluviométrie. Vous pouvez sélectionner votre région et même votre ville.

Rendez-vous à la section A  de notre fiche de suivi ! Nous allons prendre la ville de Lille comme exemple, mais n’oubliez pas d’utiliser vos propres résultats.

Sur le site de Météo France, nous avons trouvé ces données :

Pluviométrie annuelle de Lille : 742 mm / an -> on peut déjà noter dans notre fiche le résultat à la ligne A1, sous la forme :

P = 742

 

Températures moyennes annuelles de Lille : 7,1°C / 14,5°C
Les deux nombres indiquent les températures moyennes du matin et de l’après midi. Nous devons réaliser une moyenne de ces deux valeurs pour obtenir la température annuelle moyenne « globale ». On additionne les deux valeurs puis on divise ce résultat par 2 :

7,1 + 14,5 = 21,6

21,6 / 2 = 10,8°C

 

10,8°C, c’est la température annuelle moyenne globale à Lille (oui, c’est un peu froid !). On peut noter ce résultat dans notre fiche, ligne A2 sous la forme :

T = 10,8

 

Nous avons trouvé les valeurs de P et de T. Il nous reste à trouver un certain L, alors allons-y pas à pas ! L, c’est un coefficient que l’on va calculer grâce à la température. On ne vous le cache pas, il n’a pas une tête très sympathique :

L = (0,05 x T)³ + (25 x T) + 300

L = quoi ?!

 

Vous êtes encore là ? 🙂 Rassurez-vous, on va le travailler au corps ensemble ! Notre objectif va être de transformer cette équation en un nombre (ex : L = 25).

Conseils :

  • Si vous vous perdez en chemin, faites attention aux couleurs : nous avons colorés certains éléments de l’équation pour que vous puissiez suivre leur trace, étape après étape !
  • Nous allons utiliser nos résultats pour cet exemple, il est donc tout à fait normal que vous trouviez des résultats différents ! Gardez en tête que seuls les éléments écrits en noir dans l’équation sont fixes, pour nous, comme pour vous. Tous les éléments colorés, à l’inverse, vous seront propres !
  • Pour bien procéder, nous vous conseillons d’utiliser la fiche de suivi, section B.

Commencez par remplacer les “T” dans l’équation par la valeur que vous avez notée précédemment sur votre fiche de suivi, (nous c’est 10,8). Reportez cette étape ligne B1 de votre fiche de suivi.

L = (0,05 x T)³ + (25 x T) + 300

En B1, je note :

L = (0,05 x 10,8)³ + (25 x 10,8) + 300

 

Vous avez une calculatrice scientifique ou vous utilisez un logiciel « calculatrice scientifique » ? Vous pouvez directement y inscrire cette opération pour obtenir le résultat de L. Notez le résultat à la ligne A3 de votre fiche de suivi, et poursuivez !

 

Et voilà ! Nous disposons désormais des valeurs de T, de P et de L ! Toutes les données qu’il nous faut pour poursuivre et analyser notre second facteur sont désormais réunies !

 

La quantité de pluie efficace : traiter les données

Il nous reste encore à déterminer l’ETR (EvapoTranspiration Réelle). Rappelez-vous, il s’agit de l’eau absorbée puis transpirée par les plantes ainsi que l’eau évaporée par la chaleur. Là encore, il va nous falloir passer par la case mathématique, mais comme précédemment, on va y aller doucement ! Rendez-vous section C de votre fiche de suivi !

Votre objectif : réduire cette équation d’apparence complexe en un simple nombre, mais bien entendu, vous serez guidé.e !

ETR = P / √((0,9 + (P x P)) / (L x L))

MP5Objet3 Évaluer la salinité de son sol

On l’avoue, cette équation pique un peu les yeux… Alors simplifions-la un peu en remplaçant les lettres P et L par les valeurs que vous avons obtenues !

En C1 je note :

ETR = 742 / √((0,9 + (742 x 742)) / (570,157464 x 570,157464))

 

Vous avez une calculatrice scientifique ou vous utilisez un logiciel « calculatrice scientifique » ? Vous pouvez directement y inscrire cette opération pour obtenir le résultat de ETR, puis poursuivez!

MP5Objet4 Évaluer la salinité de son sol

Félicitations ! Grâce aux données de température et de pluviométrie relevées sur votre terrain, et quelques calculs mathématiques, vous connaissez la quantité d’eau évapotranspirée par an par votre sol et les plantes qui s’y trouvent !

Promis, c’est presque fini à partir de maintenant : il nous reste à jouer un petit peu avec ces chiffres pour pouvoir les exploiter ! Nous devons en effet déterminer la quantité de pluie efficace (l’eau qu’il restera après l’évapotranspiration, appelons-la « PE »), grâce à l’équation qui suit, beaucoup plus simple que les précédentes. Comme d’habitude, on remplace les lettres par leurs valeurs :

PE = PETR

En C13 je note :

PE = 742570,156997939

En C14 et en A4 je note :

PE = 171,843002061 mm/an

 

Ça y est ! On en a fini avec les mathématiques ! Il ne nous reste plus qu’à interpréter notre résultat, en reportant ci-dessous la valeur de la pluie efficace que vous venez de trouver !

MP5Objet5 Évaluer la salinité de son sol

  • Pluie efficace insuffisante : avec les températures que votre climat connaît, la pluviométrie est insuffisante pour permettre un bon drainage des sels. Votre sol est probablement déjà chargé en sels ou est peut-être en cours de salinisation. Réalisez directement l’évaluation de la salinité en zone à pluie efficace insuffisante.
  • Pluie efficace suffisante : votre sol dispose d’une quantité de pluie efficace certaine pour drainer les sels en profondeur, mais d’autres facteurs peuvent encore empêcher ce mouvement, poursuivez au point suivant !
  • Incertitude : à notre connaissance, il n’existe pas de valeur minimum à atteindre. Nous avons fixé la valeur de 100 mm/an comme « milieu », après avoir compilé plusieurs exemples concrets (en dessous de cette valeur, les terrains observés avaient des problèmes de salinisation, au dessus, ils n’en avaient pas), et en suivant la graduation suivie par Météo France, mais elle n’est pas parfaite : c’est pourquoi il existe une incertitude. Si votre résultat est compris dans cette zone d’incertitude, cliquez ci-dessous !

 

 

 

 

Troisième et dernier facteur : le type de fonctionnement du sol

MP5Objet6 Évaluer la salinité de son solC’est la caractéristique du sol que nous avons évaluée lors du Manuel pratique du Père Magraine N°4, donc ici, ce sera très rapide ! Reportez simplement le type de fonctionnement de votre sol ci-dessous. Certain.e.s d’entre vous n’ont pas pu réaliser ces tests, mais c’est ici que nous allons traiter ces cas particuliers.

Les cas particuliers :

Mon sol est dans une région polaire : on avoue ici toute notre ignorance en la matière, les systèmes naturels régissant ces régions pouvant être très différents de ceux que nous connaissons à titre personnel.

Mon sol est un sol de ville ou est fait de remblais : réalisez l’expérience suivante !

 

Mon sol est hydrophobe : réalisez l’expérience suivante !

 

 

C'est parti !

Évaluer la salinité de son sol en zone côtière

MP5Objet7 Évaluer la salinité de son sol

La proximité avec la mer induit certains inconvénients : il est possible que l’eau de mer contamine les nappes d’eau présentes sous votre sol (biseaux salés), et que les embruns déposent une quantité non-négligeable de sels à sa surface. Il nous faut nous pencher un peu plus sur la question afin de bien comprendre le phénomène.

Les biseaux salés : en zone côtière, nappes d’eau salée et d’eau douce sont en contact direct, mais sans mouvement, la viscosité de l’eau salée l’empêchera de migrer et de contaminer la nappe d’eau douce. Deux cas peuvent entraîner un mouvement de l’eau salée et donc une contamination de l’eau douce :

  • les forages destinés à pomper l’eau douce
  • le défaut d’alimentation de la nappe d’eau douce (en cas de “déficit hydrique” : lorsqu’il ne pleut pas assez)

Les embruns marins : enlevés aux mers et océans notamment par les vents, ils sont fortement concentrés en sels minéraux (et surtout en sel à proprement parler). Pouvant être emportés sur plusieurs dizaines de kilomètres, et pouvant servir de noyau de condensation aux gouttes de pluies, leur influence sur les littoraux est importante : seules les plantes résistantes aux sels et celles nécessitant de fortes concentrations de sels pour pousser peuvent y vivre. À eux seuls, ils peuvent déverser jusqu’à 750 kg de sel par hectare par an (soit près de 2 kg par jour !).

Vous l’avez compris (et vous vous en doutiez sûrement déjà), votre sol est cerné par le sel par le bas (à cause des biseaux salés), par le haut (à cause des pluies formées par les embruns) et par le front marin (à cause des embruns apportés par le vent). À présent, il nous faut identifier plus précisément la situation de votre sol !


 

 

Évaluer la salinité de son sol en zone à pluie efficace insuffisante

MP5Objet8 Évaluer la salinité de son sol

Votre terre est suffisamment éloignée des mers et océans pour ne pas souffrir d’une salinisation côtière, malheureusement, la quantité de pluie efficace semble être insuffisante pour la protéger d’une salinisation continentale. Cette situation est due à trois éléments qui ne s’accordent pas très bien dans votre cas.

La roche-mère : c’est sur elle que repose votre sol. La croûte terrestre ne contient que 2,27% de sodium, mais c’est amplement suffisant pour saler l’entièreté des terres émergées de notre planète jusqu’à les rendre incultivables : c’est donc la roche-mère qui est la source de la salinisation continentale.

La pluie : en tombant, la pluie se charge en CO2 atmosphérique et devient acide. En touchant le sol, elle réagit avec les minéraux de la roche-mère pour produire des quantités infimes de sels. Si la pluie est suffisante, les sels produits seront emportés vers le bas et finiront dans les océans.

La chaleur : plus la chaleur est importante, plus les pluies seront évaporées rapidement. Au lieu d’emporter les sels vers le bas, les pluies s’évaporent et abandonnent les sels en surface.

En nous focalisant sur ces trois éléments à présent familiers, nous allons pouvoir identifier nos moyens d’intervention. Mais avant d’engager quoi que ce soit, il nous faut dresser un diagnostic plus précis.


 

 

Évaluer la salinité de son sol à fonctionnement horizontal

MP5Objet9 Évaluer la salinité de son sol

La pluie efficace que votre terre reçoit semble être suffisante, mais le fonctionnement horizontal de votre sol peut empêcher le drainage des sels. Concrètement, qu’est-ce qui est en jeu ?

Votre sol : le comportement de la pluie avec les sols à fonctionnement horizontal est différent de lorsqu’elle rencontre un sol à fonctionnement vertical. Au lieu de s’infiltrer, la pluie va ruisseler, entraînant avec elle jusque dans les cours d’eau les particules les plus fines, à savoir les argiles et les limons : c’est l’érosion. Si ce phénomène a lieu dans la durée, les sables finiront par devenir majoritaires, étant les particules les plus lourdes. Concernant la salinité, le principal problème provient du ruissellement : la pluie qui ruisselle est une pluie qui finira par rejoindre les cours d’eau, c’est donc autant de pluie efficace perdue, qui ne pourra pas drainer les sels vers le bas.

Irrigation et arrosage : dans ces conditions, l’irrigation et l’arrosage sont deux pratiques pouvant causer la salinisation. Ces eaux nécessairement impures (puisque non-distillées) risquent de provoquer une salinisation de surface (et c’est d’autant plus vrai si votre sol présente une croûte de battance) mais aussi d’aggraver l’érosion.

En nous focalisant sur ces éléments à présent familiers, nous allons pouvoir identifier nos moyens d’intervention. Mais avant d’engager quoi que ce soit, il nous faut dresser un diagnostic plus précis.


 

 

Évaluer la salinité de son sol hydromorphe de ville ou de remblais

MP5Objet10 Évaluer la salinité de son sol

Les sols faits de remblais (principalement les jardins de ville) et de déchets du BTP sont un cas particulier parmi la grande famille des sols : ils sont connus pour être particulièrement soumis à l’hydromorphie (et donc à un mauvais drainage des sels). À quoi cela est-il dû ?

Les techniques de remblayage et de déblayage : qu’il s’agisse d’un jardin de ville ou non, le travail de terrassement permettant de remblayer (ou de déblayer), détruit la structure du sol, endommageant ainsi sa porosité.

La fonction récréative attribuée aux jardins de ville : on peut cultiver dans son jardin, mais pas que ! Et c’est une partie du problème : parce qu’ils sont considérés comme des espaces de jeu, de détente et de repos, les sols de jardins sont souvent piétinés, et donc compactés. La transformation d’un sol utilisé à des fins récréatives en un sol de culture n’est pas si évidente.

L’utilisation des jardins de ville dans la construction : durant les constructions ou les rénovations, les sols servent souvent à entreposer de grandes quantités de matériaux, ou à recevoir les gravats. Le tassement qui en résulte peut être suffisamment important pour aller jusqu’à asphyxier le sol et le placer dans une situation dont il lui sera difficile de revenir.

La pluie : lorsque la pluie arrive sur un sol asphyxié ou peu poreux, elle a du mal à s’infiltrer. Une partie de cette eau est évapotranspirée, tandis qu’une autre reste plus ou moins bloquée (avec les sels) dans les couches inférieures, provoquant de l’hydromorphie.

Il existe des moyens de remédier à tout cela, mais d’abord, dressons un diagnostic précis de la situation !


 

 

Évaluer la salinité de son sol hydrophobe

MP5Objet11 Évaluer la salinité de son sol

Il existe plusieurs origines pour l’hydrophobie d’un sol, nous devons donc commencer par identifier d’où provient celle de votre sol.

Votre sol a un taux bas d’argiles (de 0 à 5 %) : moins un sol contient d’argiles, plus il est sujet à l’hydrophobie. Dans votre cas, c’est la texture de votre sol qui est donc en cause.

Vous cultivez beaucoup ou systématiquement des fabacées : certaines fabacées comme la luzerne ou le trèfle dégagent des particules cireuses, qui peuvent rendre un sol hydrophobe si elles sont cultivées en grand nombre et à répétition. Si c’est votre cas, l’hydrophobie de votre sol est d’origine biologique.

Votre sol contient plus de 10% d’argiles, et vous ne cultivez ni beaucoup ni souvent des fabacées : il est probable dans votre cas que l’hydrophobie de votre sol soit une conséquence de son activité biologique naturelle. Certains champignons et certains microbes, ainsi que des résidus végétaux en décomposition dégagent des particules cireuses qui peuvent rendre le sol hydrophobe.

Dans les faits, les sols hydrophobes sont plutôt la règle que l’exception : une grande partie des sols est légèrement et naturellement hydrophobe sans que cela soit un problème. Quand l’hydrophobie devient trop importante, la salinité peut s’installer. Dressons un diagnostic précis de la situation !


 

 

Expérience de confirmation et de correction

À ce stade, vous disposez d’un diagnostic, encore faut-il le confirmer ou le corriger !

MP5Objet13 Évaluer la salinité de son solLe test du retard est ici pour ça ! Comme son nom l’indique, l’objectif de ce test est d’évaluer… le retard ! En présence d’une forte salinité, les plantes voient leur croissance retardée et leurs productions amoindries. Ce qui est “pratique” ici, c’est que ce retard accompagne la plante depuis la graine : une graine semée dans une terre salée mettra plus de temps à germer (retard de germination) et ses racines auront des difficultés à croître (retard de développement de la masse racinaire). C’est ce mécanisme qui va nous permettre de confirmer ou de corriger votre diagnostic ! C’est parti ! 🙂

1 – Préparer les pots

MP5Objet14 Évaluer la salinité de son sol

Pour commencer, remplissez un pot de terre de votre sol. Imprimez ou recopiez ces étiquettes, et collez celle portant la mention « Échantillon à tester » sur le pot rempli de votre terre.

MP5Objet15 Évaluer la salinité de son solRemplissez les 7 autres pots de terreau et collez-y les étiquettes suivantes (peu importe quel pot porte quelle étiquette, tant qu’elles sont toutes utilisées) : “Étalon 1 à 0 g/L » , “Étalon 2 à 0,65 g/L”, “Étalon 3 à 1,3 g/L”, “Étalon 4 à 1,9 g/L”, “Étalon 5 à 2,5 g/L”, “Échantillon 6 à 3,75 g/L” et “Étalon 7 à 5 g/L”.

2 – Préparer le salage des pots

Vous allez avoir besoin de connaître la contenance (le volume) de vos pots en litres afin de calculer les quantités de sels que nous allons y ajouter. Multipliez simplement chaque valeur indiquée sur les étiquettes des pots étalon par le volume du pot. Exemples :

  • Mes pots ont une contenance d’ 1 L : pour l’étalon 2 à 0,65 g/L, je multiplie 0,65 g par 1, ce qui me donne 0,65 g, etc.
  • Mes pots ont une contenance de 0,5 L : pour l’étalon 2 à 0,65 g/L, je multiplie 0,65 g par 0,5, ce qui me donne 0,325 g, etc.

3 – Saler les pots

MP5Objet16 Évaluer la salinité de son solPesez la quantité de sel calculée pour l’étalon 7, et placez-la dans un petit récipient. Ajoutez peu à peu de l’eau en mélangeant, jusqu’à ce que le sel soit complètement dissout. Mesurez la quantité d’eau que vous avez dû utiliser et versez délicatement l’intégralité de cette eau salée dans le pot portant l’étiquette “Étalon 7”. Effectuez cette opération pour les autres pots étalons en utilisant la même quantité d’eau que celle mesurée, en rinçant bien le récipient entre chaque étalon, et en utilisant les quantités de sels correspondantes.

4 – Semer

MP5Objet17 Évaluer la salinité de son sol

À présent, semez 10 graines de salade et 10 graines de tomates par pot : déposez-les à la surface et enfoncez-les doucement de façon à ce qu’elles soient légèrement recouvertes de terre.

Important : les semences de tomate doivent avoir été contrôlées (par un semencier ou par vous-même), les graines issues des tomates de consommation peuvent donner des résultats erratiques donc quasiment impossibles à interpréter. Il est également important que vos graines proviennent toutes d’une même source et fassent partie d’un même lot : des semences de provenances différentes pourraient avoir des taux de levée différents.

5 – Finaliser la préparation des pots

MP5Objet18 Évaluer la salinité de son solCouvrez chacun des pots d’un film plastique que vous ferez tenir grâce à un élastique. Percez quelques petits trous dans le film afin de permettre aux échanges gazeux de se produire. Placez quelques petits cailloux sur le film plastique : ce système va permettre de maintenir une température suffisante pour la germination, et d’avoir à arroser le moins possible (l’eau évaporée retombera en goutte à goutte). C’est important : si l’eau descendait vers le fond du pot, elle entraînerait les sels avec elle, faussant les résultats.

6 – Placer correctement les pots

MP5Objet19 Évaluer la salinité de son solPlacez les pots en exposition ensoleillée, mais attention : assurez-vous que chacun des pots dispose des mêmes strictes conditions que les autres, il ne faut pas qu’un pot reçoive un peu moins ou un peu plus de lumière que les autres, sauf à être disqualifié pour ce test.

7 – La surveillance

Tout ce que vous avez à faire à présent, c’est surveiller ! Surveiller l’humidité pour commencer : la terre en surface ne doit jamais sécher, ou la germination des semences peut être compromise. Heureusement avec le système mis en place, vous ne devriez pas trop avoir à arroser. Si jamais vous devez le faire, faites-le de façon équivalente pour tous les pots. La levée, enfin : il vous faudra noter soigneusement les jours de levée de chaque semence, dans la fiche qu’on vous a préparé ici !

8 – La fin du test !

MP5Objet20 Évaluer la salinité de son solLorsque les graines du pot “Échantillon à tester” ont germé pour la plupart (au moins 5 de chaque espèce), le test est terminé ! Les pots “Étalons” peuvent maintenant jouer leur rôle… d’étalon ! Comparez les résultats de levée de l’échantillon à tester, avec les résultats des pots étalons : de quel pot étalon ses valeurs sont-elles les plus proches ? Notez sa concentration : c’est très probablement la concentration en sel de votre sol !

L’estimation est-elle cohérente avec les résultats précédemment obtenus ?

  • Oui, c’est tout à fait ça, incroyable ! : le croisement des différentes évaluations nous permet de vous dire, enfin, que votre diagnostic tient la route ! Si c’est le cas pour vous, dites-le nous !
  • Quasiment, allez, on va dire que oui : un tout petit doute subsiste quant à l’exactitude de vos résultats, mais ils sont tout à fait crédibles ! N’hésitez pas à nous les transmettre !
  • Non, pas du tout ! Je ferme cette page web et je pars m’acheter un conductimètre ! : on aimerait que vous restiez encore un tout petit peu avec nous avant 🙂 Il reste possible que malgré toutes nos recherches, nous ayons manqué un paramètre déterminant qui rendent vos résultats contradictoires. Si vous êtes dans ce cas, on ose vous demander de nous communiquer vos résultats pour que nous puissions les étudier et corriger ce manuel : ça serait super sympa !
  • Le test n’a pas abouti, et je ne comprends pas pourquoi : n’hésitez pas à nous envoyer vos résultats détaillés, on essaiera d’y voir clair !
  • Le test n’a pas abouti, mais je sais pourquoi : dites-le nous, ça nous serait très utile pour améliorer ce document !

 

 

Indiquer la salinité

MPMap9 Évaluer la salinité de son sol

Indiquez la salinité de votre terrain sur votre carte topographique. Voilà, cette longue évaluation est enfin terminée ! Conservez précieusement les données que vous avez récoltées jusqu’à présent.

On imagine que certains d’entre vous ont pu apprendre ici une mauvaise nouvelle, c’est pourquoi on a préparé une petite liste de solutions !

 

 

Quelques solutions

Quelle que soit votre situation, il existe des solutions. Pour autant, il ne faut pas s’attendre à un quelconque miracle : si certains cas peuvent être résolus « rapidement » à proprement parler, il en va différemment pour d’autres qui vont vous demander de la patience et parfois, d’accepter les échecs. Voyons ça ensemble !


 

 

Envie de contribuer ?

Vous avez déjà expérimenté cette technique ? Vous connaissez une ou plusieurs astuces pour l’améliorer, faciliter sa mise en place ? Vous avez relevé une erreur ? N’hésitez pas à partager vos cartes et vos idées en commentaires, nous enrichirons ce manuel en conséquence, en vous citant ou en citant votre source !

 

 

Bibliographie

Pour citer ce document

Vous pouvez librement faire référence à ce contenu dans vos articles, nous vous demandons simplement de citer l’article et son auteur de la façon qui suit :

BEN BELAÏD S., Le Manuel pratique du Père Magraine N°5 – Évaluer la salinité de son sol [en ligne], Chez le Père Magraine, 29/11/2017, 04/06/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/manuel-pratique-n5-evaluer-la-salinite-de-son-sol/

Il vous suffit de remplacer « XX/XX/XXXX » par la date à laquelle vous avez consulté cet article 🙂

Toute reproduction du contenu de cet article, même partielle, est strictement interdite sans l’accord de l’auteur.

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