Les Dossiers de Micro & Macro – Les bactéries du sol

Quels rôles les bactéries jouent-elles dans les sols et comment les intégrer au mieux ? Micro & Macro font toute la lumière !

1 – Micro-bio : Définition et histoire des bactéries du sol

2 – Au Microscope : Morphologie et cycle de vie des bactéries du sol

3 – Biocénose : Place des bactéries du sol ans le réseau trophique

4 – Macrorama : Fonctions écologiques des bactéries du sol

5 – Envie d’agir ? Comprendre la place des bactéries et adapter ses pratiques

6 – Bibliographie

7 – Pour citer ce document

 

 

Que sont les bactéries du sol ?

Le mot bactérie vient du grec ancien « baktêria » (“bâton pour la marche”), en raison de la forme en bâton des premières bactéries observées (des bacilles).

Dans la classification la plus récente, les bactéries forment un règne. Ce sont des organismes constitués d’une seule cellule (unicellulaires) bien que certaines puissent s’associer en colonie formant des amas (Staphylocoques) ou encore des chaînettes (les cellules restent attachées entre elles après division, par exemple avec les Streptocoques). La cellule des bactéries ne possède pas de noyau : ce sont des Procaryotes (du grec « pro, » « avant » et « karyon« , « noyau »). Leur matériel génétique, libre dans la cellule, est généralement constitué d’un seul chromosome circulaire. Cependant, certains gènes avec des fonctions particulières (résistance aux agressions externes, adaptation au milieu) peuvent apparaître de façon indépendante dans la cellule et sont portés par des portions d’ADN libres appelées « plasmides ». En 2007, on avait décrit 7300 espèces de bactéries mais l’estimation des espèces existantes se chiffre entre 600 000 et 6 milliards et tend à augmenter.

Les bactéries sont présentes partout sur Terre et dans tous les milieux. On les retrouve dans la terre, l’eau, l’air, sur la peau et dans les intestins des animaux, etc… Certaines bactéries, quand les conditions sont défavorables, sont capables de se modifier pour adopter une structure très résistante : la spore (par exemple Clostridium). Ces spores peuvent résister à des températures très élevées, à la pression, aux U.V et à beaucoup d’autres agressions : elles sont à la fois un moyen de résilience (la spore à une durée de vie très longue) et de dissémination.

 

Histoire des bactéries du sol

Les plus vieux organismes du monde

Les bactéries sont les plus anciens organismes vivants connus. Les plus vieux fossiles retrouvés sont des stromatolithes (structures calcaires produites par des cyanobactéries) datant de 3.5 milliards d’années. Ce sont les bactéries qui sont à l’origine de la photosynthèse (qui produit l’oxygène de l’air). Par la suite, d’autres espèces de bactéries développeront la capacité de consommer cet oxygène. C’est l’apparition de la respiration qui ouvre la voie à la complexification du vivant. Le premier à observer des bactéries (grâce à un microscope de sa fabrication) fut Antoine van Leeuwenhoek, commerçant et savant néerlandais, en 1668. Il nomme alors ces dernières “animalcules”.

 

 

AuMicroscopeDMMP

Morphologie des bactéries du sol

Les bactéries présentent une grande diversité morphologique. La plupart des bactéries mesurent entre 0.2 micromètres et 5 micromètres (0.005 mm). Pour les classifier on fait référence à leur forme de base qui peut être :

Sphérique :

Bactéries du sol

Ce sont les coques.

 

Allongée en bâtonnet :

Bactéries du sol

Ce sont les bacilles lorsqu’elles sont droites ou les vibrions lorsqu’elles sont en forme de virgule.

 

En tire-bouchon plus ou moins flexible :

Bactéries du sol

Ce sont les spiralées (on parle de spirilles si elles sont rigides et de spirochètes si elles sont flexibles).

 

Un critère de distinction supplémentaire est la structure de la paroi cellulaire qui peut être simple ou double. Cette dernière peut être mise en évidence par un test de coloration mis au point par Hans Christian Gram en 1884. On parle alors de bactéries Gram positif (elles se colorent et ont une seule membrane) et de bactéries Gram négatif (elles ne se colorent pas et ont une membrane externe supplémentaire).

Enfin certaines structures comme des poils ou des filaments (on parle de flagelles s’ils sont liés à la locomotion) peuvent êtres enchâssées dans la paroi. Les Actinobactéries peuvent ainsi émettre de long filaments comparables dans leur aspect et fonctionnement aux hyphes qui constituent le mycélium des champignons. Cette variabilité de forme est intimement reliée à la capacité de chaque espèce d’acquérir des nutriments, de s’attacher aux surfaces, de nager dans un liquide ou encore d’échapper à la prédation.

 

Le cycle de vie des bactéries du sol : la nutrition

Il existe deux grands groupes de bactéries : certaines ont besoin d’oxygène pour vivre (elles sont dites aérobies, exemple : Streptomyces), d’autres n’en ont pas besoin (elles sont dites anaérobies, exemple : Clostridium). Toutefois, il existe des bactéries préférant les milieux sans oxygène mais pouvant vivre dans des conditions aérobies si elles le doivent, elles sont alors qualifiées d’anaérobies facultatives (ex: Escherichia coli).

Certaines bactéries se nourrissent de composés uniquement minéraux (par exemple dioxyde de carbone et azote de l’air) grâce à la photosynthèse. Elles sont dites autotrophes (du grec « autos », « soi-même » et « trophê », « nourriture »). D’autres bactéries ont besoin de composés organiques préexistants (issus d’autres organismes vivants) pour se nourrir. Elles sont, tout comme les espèces du règne animal, hétérotrophes (du grec « heteros », « autre ») et utilisent la chimiosynthèse : elles vont sécréter dans leur milieu des protéines appelées enzymes qui sont capables de fractionner les grosses molécules en petits morceaux plus facilement assimilables. Les nutriments ainsi produits sont rapatriés à l’intérieur de la bactérie en traversant sa membrane par des sortes de pompes sélectives appelées transporteurs transmembranaires.Bactéries du sol

D’autres encore sont capables de réaliser à la fois photosynthèse et chimiosynthèse.

 

Le cycle de vie des bactéries du sol : la reproduction

Les bactéries se reproduisent principalement par division cellulaire, c’est-à-dire qu’une cellule va dupliquer son matériel génétique puis se séparer en deux copies strictement identiques qui pourront, à leur tour, chacune se diviser. La vitesse de réplication peut être impressionnante : en laboratoire, une bactérie peut avoir une descendance de 5 milliards d’individus en seulement 12 heures. Heureusement, dans la nature, ce développement exponentiel est fortement limité par les conditions de température et d’humidité mais aussi par la prédation naturelle.

Bactéries du sol

 

 

Place des bactéries du sol dans le réseau trophique

Bactéries du sol

 

 

Fonctions écologiques des bactéries du sol

 

Parmi les principaux organismes décomposeurs du sol

Les bactéries sont parmi les principaux organismes décomposeurs du sol, juste derrière les champignons. Elles sont capables de s’attaquer à toutes sortes de matières animales et végétales. Elles sont cependant plus efficaces sur la matière jeune et fraîche. Il faut retenir que la plupart des bactéries sont cependant incapables de dégrader la lignine (molécule carbonée complexe qui donne la rigidité au bois), cette dernière étant plutôt recyclée par les champignons.

 

Acteurs majeurs dans le cycle des éléments

Les bactéries jouent un rôle majeur dans la circulation des éléments, particulièrement en ce qui concerne le carbone, l’azote et le soufre. Ainsi, le CO2 de l’air est un sous-produit important de la vie bactérienne (respiration, décomposition) et, en même temps, indispensable à la photosynthèse des végétaux. De la même façon, les bactéries qui utilisent le soufre du sol en font des sulfates solubles dans l’eau et assimilables par les plantes. Enfin plusieurs types de bactéries sont capables de transformer l’ammoniac (sous-produit issu de la décomposition des protéines) en nitrites puis en nitrates (forme assimilable de l’azote pour de nombreuses plantes). D’autres bactéries sont aussi capables de transformer les nitrates inutilisés dans le sol pour qu’ils retournent à l’état gazeux : ce sont les dénitrificatrices.

 

Fixation des nutriments

Les nutriments libérés sous l’action des enzymes bactériennes sont stockés à l’intérieur des cellules des bactéries et ne sont libérés (minéralisés) que lorsque ces dernières sont consommées ou lorsqu’elles meurent. En fait, l’ammoniac, élément de base de la nutrition végétale, est libéré de façon continue dans le milieu externe à travers les déjections des protozoaires qui sont les principaux prédateurs des bactéries. Ainsi, on évite la perte des nutriments minéraux par drainage (action de la pluie et de l’arrosage) qui a lieu pour les engrais chimiques ou organiques qui sont eux apportés ponctuellement.

 

Symbiose avec les végétaux

Dans le sol, à proximité des racines des plantes (c’est la rhizosphère), de nombreuses bactéries sont capables de fixer l’azote atmosphérique et de le redistribuer sous forme assimilable en échange de sucres, acides aminés et vitamines de la part des végétaux. Ces bactéries peuvent être sous forme libre dans le sol (ex: azotobacter) ou localisées au niveau de déformations racinaires (nodosités) comme c’est le cas pour les légumineuses avec les bactéries du genre Rhizobium.

 

Action des biofilms

En plus des enzymes digestives, beaucoup de bactéries du sol sont capables de sécréter un ensemble complexe de sucres et de protéines retenant l’eau et ayant un effet protecteur sur les colonies bactériennes : les biofilms. Ils permettent un travail coopératif des bactéries du sol (il peut s’agir d’une ou plusieurs espèces) qui créent leur propre milieu favorable, les biofilms ayant pour vertu de réguler les conditions de pH, de retenir l’eau et de permettre la circulation des individus et nutriments. Les biofilms influencent la nature de leur environnement direct et constituent ainsi des zones tampons autour des racines, notamment en ce qui concerne le maintien d’un pH neutre à légèrement basique.

 

 

Comprendre la place des bactéries

La succession écologique nous montre un modèle qui va toujours de la prairie (composée de plantes pionnières annuelles et graminées) vers un modèle forestier qui va intégrer progressivement vivaces, arbustes et arbres. Dans cette succession, au niveau des micro-organismes du sol, les premières communautés à se succéder sont dominées par les bactéries. Par la suite, au fur et à mesure que les déchets organiques s’accumulent et se diversifient (ils contiennent de plus en plus de lignine, molécule procurant de la rigidité aux tissus végétaux), les spores de champignons vont avoir suffisamment de nutriments pour prospérer en sol forestier. Au cours de cette évolution, le nombre total de bactéries ne change pas, c’est le réseau de champignons qui se développe : en d’autres termes, un sol dominé par les champignons n’est pas plus pauvre en bactéries, mais simplement plus riche en champignons.

 

Adapter ses pratiques

Un sol dominé par les bactéries maintient un pH légèrement supérieur à 7 (il est basique), ce qui est favorable aux bactéries nitrificatrices. L’azote disponible pour les plantes est alors présent sous forme de nitrates, facilement accessibles aux racines des annuelles et graminées. Dans ce cas, on a un cycle de l’azote court qui nourrit directement les plantes mais le carbone retourne vite dans l’atmosphère sous forme de dioxyde de carbone. En d’autres termes, la minéralisation (mise à disponibilité des nutriments) est rapide mais l’aggradation du sol (création d’humus) est lente, voire impossible.

Dans un sol dominé par les champignons le pH tombe en dessous de 7 (il devient acide). Il devient alors moins adapté pour les bactéries nitrificatrices et l’azote disponible reste plutôt sous forme d’ammonium qui convient mieux aux vivaces, arbustes et arbres. Cependant, dans ce contexte, de nombreuses annuelles sont capables de mettre en place des symbioses avec les champignons (ce sont les mycorhizes) de façon à s’accommoder de cette forme d’azote qu’elles préfèrent le moins. Dans ce cas, la minéralisation est lente (mais les nutriments restent disponibles grâce aux mycorhizes) et l’aggradation du sol est importante car le carbone est conservé dans les tiges rigides et branches puis transformé en humus par les champignons.

Ainsi, il vaut mieux réserver les apports azotés (“matières vertes” qui vont stimuler les développement bactérien) aux zones “prairies” de votre terrain, notamment pour les cultures qui ne font pas de mycorhizes comme les Brassicacées (choux, moutardes, brocolis) et les Chénopodiacées (épinards, chénopodes).

Il faut également retenir que les bactéries néfastes pour les cultures sont plutôt anaérobies. Il faudra donc principalement veiller à maintenir un sol oxygéné pour privilégier les bactéries aérobies et se préserver des infections (utilisation de la grelinette sur sol compactés, engrais verts décompactants, pas de passages qui tassent le sol sur les zones de cultures, pas d’enfouissement des litières).

 

 

 

 

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PRUVOST G., Les Dossiers de Micro & Macro – Les Bactéries du sol [en ligne], Chez le Père Magraine, 08/01/2018, 07/06/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-bacteries-du-sol/

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