Restés longtemps mystérieux, les champignons du sol et de la litière sont indispensables aux fonctionnements naturels… Micro & Macro font le point !
1 – Micro-bio : Définition et histoires des champignons du sol et de la litière
3 – Biocénose : Place des champignons du sol et de la litière dans le réseau trophique
4 – Macrorama : Fonctions écologiques des champignons du sol et de la litière
5 – Envie d’agir ? Cultiver avec les champignons du sol et de la litière
Qui sont les champignons du sol et de la litière ?
Les champignons sont des organismes eucaryotes (leurs cellules possèdent un noyau) pouvant être unicellulaires ou pluricellulaires (constitués d’une ou de plusieurs cellules). Tout comme les animaux, ils sont hétérotrophes, c’est-à-dire qu’ils se nourrissent de « matière organique » préexistante. Par opposition, les plantes qui utilisent la photosynthèse pour produire leur propre matière sont qualifiées d’autotrophes.
Ils sont majoritairement aérobies (ils ont besoin d’oxygène pour vivre), se multiplient grâce à des spores mais ils sont immobiles. Ces différentes espèces peuvent être saprophytes (se nourrissent de matière organique en décomposition), commensaux (vivent grâce à un hôte sans lui nuire ni lui apporter de bénéfice), symbiotiques (vivent en association avec d’autres êtres vivant avec des bénéfices réciproques), parasites (vivent aux dépens d’autres être vivants) et même parfois carnivores.
Un gramme de terre de forêt tempérée peut contenir plusieurs milliers d’espèces de champignons et jusqu’à 1 milliard d’individus. En terme de biomasse, ils présentent une moyenne de 3 500 kg/ha (pour une profondeur de 30cm).
Histoire des champignons du sol et de la litière
Il y a environ 1 milliard d’années, époque où l’ancêtre des animaux était encore unicellulaire et celui des plantes une algue vivant dans l’eau, l’apparition d’un mode de digestion extracellulaire (appelé absorbotrophie ou encore osmotrophie) marque celle de la lignée des champignons. Par la suite, l’évolution des champignons s’est faite en tissant des relations multiples et complexes avec l’ensemble du vivant. Ainsi les premiers champignons endomycorhiziens (capables d’effectuer une symbiose avec les racines des plantes en pénétrant à l’intérieur de leurs cellules) sont apparus il y a environ 450 millions d’années, simultanément à l’émergence des plantes hors de l’eau. Cela laisse supposer que champignons et plantes ont évolué conjointement depuis leur apparition, notamment pour conquérir la terre ferme.
Le sol comporte de nombreuses espèces de champignons que l’on a catégorisées arbitrairement selon leur taille. Les champignons de très petite taille et microscopiques sont ainsi qualifiés de micromycètes par opposition aux grands champignons à chapeau qui constituent la plupart des macromycètes.
Les micromycètes
Les champignons unicellulaires ou « levures »
Ce sont pour la plupart des ascomycètes microscopiques (les ascomycètes sont un embranchement de champignons qui produisent leurs spores dans des structures particulières appelées « asques »). On les retrouve souvent dans les biofilms (communauté complexe de micro-organismes adhérant entre eux et à une surface grâce à la sécrétion d’une matrice protectrice) entourant les racines des plantes. Ces levures sont aussi présentes sur les feuilles des plantes, préparant la bonne décomposition de ces dernières avant même qu’elles ne tombent.
- Morphologie :
D’une taille comprise entre 6 et 50 micromètres, ces organismes sont de forme variable (ovale, sphérique, triangulaire, en bouteille…).
- Nutrition :
Les levures consomment des composés carbonés simples comme les sucres et des composés azotés sous forme d’ammonium (NH4+) parfois nitrates (NO3-). Elles sont remarquables par leur capacité à fonctionner en anaérobiose (sans oxygène) si nécessaire. Elles peuvent donc soit respirer (elles consomment notamment du sucre et de l’oxygène pour produire leur énergie) soit fermenter (elles consomment du sucre pour produire une énergie moindre et de l’éthanol).
- Reproduction :
Les levures se multiplient principalement de façon asexuée (division par bourgeonnement ou par scission).
Les champignons filamenteux ou moisissures
Ce sont encore majoritairement d’ascomycètes microscopiques.
- Morphologie :
Ils se présentent comme des organismes pluricellulaires prenant la forme de fins filaments d’un diamètre de 0.2 à 3.5 micromètres. Penicillium notatum, bien connu pour être à l’origine de la découverte de la pénicilline, est un exemple de moisissure que l’on peut retrouver dans le sol.
- Nutrition :
Nous les connaissons bien pour leur capacité à altérer les aliments dans nos réfrigérateurs et dans la nature, leur régime est principalement saprophyte (décomposition de la matière morte) mais ils ne sont pas capables d’attaquer la matière carbonée complexe (comme la lignine du bois).
- Reproduction :
La multiplication asexuée est également prédominante dans ce groupe de champignons.
Les champignons endomycorhiziens : les gloméromycètes
La mycorhize est une symbiose entre les racines d’une plante et un champignon (voir notre dossier sur le sujet).
- Morphologie :
Dans le cas des endomycorhizes le champignon émet des filaments (hyphes), qui pénètrent les parois cellulaires des racines pour former à l’intérieur de ces dernières des structures d’échanges de nutriments. Les endomycorhizes concernent 90% des plantes terrestres. La forme la plus connue est l’endomycorhize à arbuscule qui concerne environ 150 espèces de champignons microscopiques faisant tous partie de la classe des gloméromycètes. Cette symbiose plante-champignon est la plus ancienne (450 millions d’années) et les gloméromycètes sont devenus incapables de survivre sans une plante hôte.
- Nutrition :
Dans ce type de symbiose, la plante cède une partie des sucres issus de la photosynthèse contre un apport en minéraux et une extension de son réseau racinaire par l’intermédiaire des hyphes mycéliennes (ce qui permet de meilleurs apports en eau).
- Reproduction :
Comme la majeure partie des champignons microscopiques, les gloméromycètes ont une reproduction principalement asexuée.
Les macromycètes
Les macromycètes sont tous des champignons dit “supérieurs”. On y retrouve principalement les basidiomycètes mais aussi des ascomycètes (truffe, morille,etc…).
- Morphologie :
Les basidiomycètes sont les plus connus car ils constituent ce qu’on appelle couramment les champignons à chapeau (on parle ici de la partie visible que nous appelons champignon mais qui n’est que l’organe reproducteur, appelé carpophore par les mycologues). On peut y retrouver par exemple les amanites, les bolets, le shiitake, les girolles, etc…
C’est dans cette classe de champignons qu’on retrouve notamment les espèces de la pourriture blanche (clitocybe nébuleux, agaric des bois, marasme guétré, etc…). Ces espèces sont identifiables sur le terrain au fait que leur pied soit entouré de feuilles blanchies restants adhérentes si on cueille le champignon.
- Nutrition :
Les pourritures blanches sont les seules capables de transformer la lignine du bois en acides humiques précurseurs d’humines d’insolubilisation. Les autres basidiomycètes saprophytes sont capables d’attaquer la cellulose et l’hémicellulose, complétant ainsi la dégradation de la matière carbonée (pourriture brune).
D’autres champignons de cette catégorie ont plutôt une activité mycorhizienne. Il s’agit alors d’ectomycorhizes (les hyphes mycéliennes forment une gaine autour des racines, sans les pénétrer) que l’on retrouve plus volontiers sur les arbres, arbustes et plantes vivaces.
- Reproduction :
Chez les basidiomycètes, c’est la reproduction sexuée qui prime (nécessité de deux individus de type sexuel opposé) mais la reproduction asexuée (par simple division) reste possible.
Place des champignons du sol et de la litière dans le réseau trophique
Fonctions écologiques des champignons du sol
Recyclage de la nécromasse
Les champignons et les bactéries sont à la base du processus de recyclage de la matière organique morte. Si les bactéries sont plus rapides et efficaces pour assimiler les nutriments solubles simples, les champignons se sont spécialisés dans l’assimilation des molécules complexes. Ils sont plus performants pour dégrader la cellulose et la lignine des composés carbonés.
Formation d’humus stable
Les résidus de la transformation de la lignine par les champignons sont des acides humiques, précurseurs des humines d’insolubilisation (à la base d’un humus stable, résistant au lessivage des pluies et autres molécules d’origine biologique).
Maintien de la structure du sol
Les hyphes fongiques peuvent voyager sur des distances de plusieurs mètres et pénétrer des surfaces dures. Contrairement aux bactéries, elles n’ont pas besoin d’un film d’eau pour pouvoir se propager à travers le sol. Elles sont ainsi capable de créer un vaste réseau pour trouver de nouvelles sources de nourriture et de transporter les nutriments sur de longues distances. Ce réseau, en se liant intimement aux micro-agrégats du sol, participe à sa cohésion et au maintien de sa structure.
Régulation des populations
Certains champignons, qualifiés de carnivores, jouent un rôle important dans la régulation d’espèces potentiellement pathogènes. Ils sont capables de piéger les nématodes dans leurs hyphes pour les digérer (ex: Arthrobotrys robusta) ou encore de parasiter des insectes comme les pucerons ou les thrips (ex: Metarhizium anisopliae). D’autres champignons sont capables de secréter des substances antibiotiques qui vont réguler les populations de bactéries mais aussi celles d’autres espèces fongiques (ex: Penicillium notatum).
Symbioses mycorhiziennes
Ces associations racines/champignons sont facteur de résilience pour les cultures, notamment pour l’apport en eau et en minéraux (par extension du réseau racinaire de la plante).
Cultiver avec les champignons du sol et de la litière
Prévenir l’attaque de champignons pathogènes
90% des maladies des végétaux sont dues à des champignons et on peut comprendre l’inquiétude du cultivateur face à ces pathologies. On a ainsi classifié artificiellement ces champignons suivant les symptômes qu’ils provoquent, pour en dégager 4 grands groupes :
- Les mildious : caractérisés par l’apparition de taches blanches ou grisâtres sur les feuilles et les tiges qui se suivent d’une déformation et d’une nécrose des tissus. Ils sont dus à des oomycètes (qui ne sont pas de vrais champignons mais des protistes filamenteux) possédant la capacité de s’enkyster dans le sol pour garantir leur survie. Dans cette classe, les spores peuvent être flagellés (la flagelle est un organite de la spore qui permet sa mobilité en milieu humide).
- Les oïdiums : on les reconnaît par le feutrage blanc qui couvre les parties malades. Ils sont dus à des ascomycètes et s’attaquent surtout aux arbres mais ils peuvent aussi toucher les céréales (orge, maïs) ou les lianes (vignes).
- Les rouilles : elles sont dues à un type spécifique de basidiomycètes, les Pucciniomycotina. Leur spores jaunes orangées ont donné son nom au groupe qui attaque surtout les conifères et les plantes à fleurs. La dispersion se fait principalement par le vent.
- Les charbons : ils sont également dus à des basidiomycètes spécifiques appartenant au groupe des Ustilaginomycota. Ils s’attaquent aux fleurs en formant à la place des graines des excroissances noirâtres contenant les spores qui seront dispersées par le vent.
Face à une telle menace, nombre de fongicides, plus ou moins spécifiques, ont été développés. Cependant, les champignons pathogènes ont tendance à développer rapidement des résistances et finissent par devenir encore plus virulents. Alors que faire face à la menace ?
- Ne pas traiter avec un antifongique (chimique ou organique) : ces traitements éliminent souvent de nombreuses autres espèces qui, par effet de compétition, régulent le nombre de pathogènes.
- Éviter de regrouper les végétaux sensibles aux mêmes champignons : les spores sont bien souvent disséminées grâce au vent, créer une barrière physique (haies, autres plantes résistantes) entre les végétaux sensibles à la même maladie peut limiter sa propagation.
- Ne pas créer de points d’entrée pour les pathogènes : toute action de taille est une blessure pour la plante et une porte ouverte aux infections. Il faut donc limiter toute taille à l’indispensable. En cas d’attaque modérée, retirer les parties qui se détachent toutes seules sans se servir d’un sécateur.
- Utiliser des variétés réputées résistantes : même si cela ne signifie pas que ces variétés sont “immunisées” de façon absolue contre les pathogènes, elles tombent moins souvent malades et résistent à des attaques modérées.
- Assurer une bonne ventilation : l’usage de la serre est souvent intéressant pour prolonger la durée des cultures sensibles au froid. Cependant, c’est aussi un milieu clos qui peut être parfois difficile à ventiler. L’excès d’humidité en milieu clos peut ainsi être à l’origine de la transmission rapide d’infections fongiques. Si vous utilisez une serre, soyez particulièrement vigilants durant les périodes chaudes et humides.
Favoriser les mycorhizes
Depuis que la science étudie les mycorhizes, il ne semble y avoir que des effets bénéfiques sur les cultures :
- Meilleure absorption des éléments nutritifs (azote, phosphore)
- Meilleure croissance
- Floraison et fructification plus précoces et plus abondantes
- Protection accrue contre le froid, la salinité, la pollution et les maladies
Cependant, la mycorhization demeure un processus complexe, dépendant de nombreux facteurs, dont nous n’avons pas encore cerné tous les mécanismes. On peut toutefois favoriser l’établissement des mycorhizes en appliquant certaines règles :
- Ne pas appliquer de produits phytosanitaires (fongicides, herbicides, régulateurs de croissance et agents de désinfection du sol)
- Limiter le travail du sol pour ne pas briser les réseaux mycéliens
- Limiter les intrants : La symbiose à un coût pour la plante qui cède jusqu’à 20% de ses sucres au champignon. Une fertilisation trop azotée déséquilibre le partenariat (qui n’est plus intéressant pour le végétal) annulant ainsi tout l’intérêt de travailler avec les champignons.
- Choisir des variétés de plantes anciennes (les variétés modernes ont été sélectionnées sur des critères de rendements plutôt que pour leur faculté à établir des mycorhizes).
- Effectuer des rotations de cultures continues (cultures d’engrais verts intercalaires par exemple) pour maintenir vivant le réseau mycélien.
- Couvrir en permanence le sol (couvert végétal ou mulch) pour protéger le réseau mycélien.
La plupart des plantes à fleurs sont capables d’établir des endomycorhizes, seuls quelques représentants de certaines familles sont exclus :
- Les brassicacées (quasiment toutes)
- Des caryophyllacées (ex : œillette)
- Des urticacées (ex : ortie)
- Des chénopodiacées (ex : betterave, épinard)
- Des joncacées (ex : jonc)
- Quelques cypéracées (ex : papyrus)
Ces familles de plantes ne peuvent compter que sur leurs racines pour leurs apports nutritionnels, elles ont donc besoin d’un milieu riche en azote disponible.
- Contributeurs de Wikipédia, Fungi [en ligne], Wikipédia, 06/11/2003, 28/02/2018 [consulté le 03/03/18], disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Fungi
- Contributeurs de Wikipédia, Levure [en ligne], Wikipédia, 06/03/2004, 01/03/2018 [consulté le 03/03/18], disponible sur : https://fr.wikipedia.org/wiki/Levure
- DALPE Y., Les mycorhizes : un outil de protection des plantes mais non une panacée [en ligne], Phytoprotection vol.86 N°:1, Erudit, 04/2005 [consulté le 03/03/2018], disponible sur : https://www.erudit.org/en/journals/phyto/2005-v86-n1-phyto991/011715ar/
- GIANINAZZI S., WIPF D., Des champignons au service des sols [en ligne], Inoculumplus, 02/2010, [consulté le 03/03/18], disponible sur : http://inoculumplus.fr/articles-inplus/Des%20champignons%20au%20service%20des%20plantes_PHM%20-Fev2010.pdf
- LOWENFELS J., LEWIS W., Un sol vivant : un allié pour cultiver, Rouergue, 2016, 205 p.
- SILAR P., MALAGNAC F., Les champignons redécouverts, Belin, 2013, 231 p.
- TOUTAIN F., Les humus forestiers, structures et modes de fonctionnement [en ligne], Inist, 1981 [consulté le 03/03/2018], disponible sur : http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/21533/RFF_1981_6_449.pdf?s
Vous pouvez librement faire référence à ce contenu dans vos articles, nous vous demandons simplement de citer l’article et son auteur de la façon qui suit :
PRUVOST G., Les Dossiers de Micro & Macro – Les champignons du sol et de la litière [en ligne], Chez le Père Magraine, 04/03/2018, 16/03/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-champignons-du-sol-et-de-la-litiere/
Il vous suffit de remplacer « XX/XX/XXXX » par la date à laquelle vous avez consulté cet article 🙂
Toute reproduction du contenu de cet article, même partielle, est strictement interdite sans l’accord de l’auteur.
J’ai apprécier le travail