Craintes pour les ravages qu’elles peuvent occasionnées, les larves de diptères du sol ne sont-elles que des « nuisibles » ? Micro & Macro font le point !
1 – Micro-bio : Que sont les larves de diptères du sol ?
2 – Au Microscope : Morphologie et cycle de vie des larves de diptères du sol
3 – Biocénose : Place des larves de diptères du sol dans le réseau trophique
5 – Envie d’agir ? Cultiver avec les larves de diptères du sol
Que sont les larves de diptères du sol ?
Les diptères font parti de l’embranchement des arthropodes (pattes articulées) et de la classe des insectes (6 pattes). Ils constituent un ordre riche d’au moins 160 000 espèces décrites. Le mot diptère vient du grec diptera (di, « deux », et ptéra, « aile »). On désigne ainsi les insectes munis d’une seule paire d’ailes membraneuses et qu’on appelle de façon courante les mouches, les moustiques, les syrphes, les taons, etc… Leur taille varie de 0,3 à 70 mm et on les retrouve dans le monde entier, des régions subarctiques aux régions subantarctiques.
Comme 80% des insectes, ils sont dit holométaboles, c’est à dire qu’il subissent au cours de leur vie, une métamorphose complète en 4 étapes (oeuf, larve, nymphe, adulte). Les larves vivent souvent dans le sol où elles jouent un rôle important dans la production d’humus.
Histoire des diptères
Les plus anciens fossiles de diptères connus ont été trouvés dans de l’ambre datant du Trias soit il y a 230 millions d’années.
Morphologie des larves de diptères du sol
Les larves de diptères du sol sont caractérisées par l’absence de pattes (bien que quelques espèces possèdent des bourrelets locomoteurs ou « pseudopodes ») et par la réduction, voire par la disparition de la tête.
On peut les séparer en 3 grandes catégories morphologiques :
Les eucéphales
Elles possèdent une tête bien différenciée du reste de leur corps. Les espèces qui cherchent leur nourriture de façon active sont en plus équipées d’antennes (exemple : la larve aquatique des moustiques). Ces larves vivent très souvent dans les eaux stagnantes au sol (flaques, lacs etc) et y jouent un rôle épurateur important.
Les hémicéphales
Elles possèdent une tête plus ou moins rentrée dans le thorax (ex : la larve des tipules autrement appelés “cousins”).
Les acéphales
Elles possèdent une tête réduite à des pièces buccales transformées en crochets mobiles (ex : la larve des mouches qu’on appelle “asticot”).
Cycle de vie des larves de diptères du sol : la nutrition
Les diptères, au stade larvaire ou adulte, possèdent des régimes alimentaires extraordinairement variés si bien qu’il est difficile de les évaluer précisément.
On considère néanmoins que 50% des espèces sont principalement :
- saprophages (consomment de la matière végétale en décomposition)
- saproxylophages (consomment du bois en décomposition)
- coprophages (consomment des excréments)
- mycétophages (consomment des champignons)
- nécrophages (consomment des cadavres d’animaux)
28 % sont des prédateurs et des parasites et 17% sont strictement phytophages (se nourrissent exclusivement de végétaux vivants). Les 5% restants ne rentrent pas dans les catégories précédemment citées.
Cycle de vie des larves de diptères du sol : la reproduction
Quelques espèces seulement de diptères se multiplient par parthénogenèse (une femelle produit des oeufs sans intervention d’un mâle). Cependant, la plupart ont une reproduction sexuée (rencontre d’un mâle et d’une femelle).
Dans ce cas, la copulation est parfois précédée d’une parade nuptiale qui peut être très élaborée. Ainsi, l’empis marqueté mâle (Empis tessellata) ayant capturé une proie, effectue une danse caractéristique de haut en bas pour attirer une femelle et lui offrir son butin pendant l’accouplement.
La biologie des diptères est très diversifiée. La vitesse de développement complet d’un individu (de l’œuf à l’adulte) dépend des conditions externes (température, humidité, etc..) et peut varier d’une semaine à un an selon les espèces.
Place des larves de diptères du sol dans le réseau trophique
Revoir notre vision des larves de diptères du sol
Tout comme les larves de coléoptères, les larves de diptères font souvent frémir les agriculteurs pour les dégâts qu’elles peuvent occasionner dans les systèmes de culture.
Il faut cependant retenir qu’en France, sur plus de 6 500 espèces décrites, on considère qu’une minorité de 270 espèces sont ravageuses permanentes, secondaires ou occasionnelles (exemples : certains bibions et tipules).
Certaines dévorent plutôt les racines des plantes, elles possèdent alors des mandibules broyeuses. Ce sont principalement des Bibionidae, des Chironomidae, des Sciaridae, et des Tipulidae. D’autres s’attaquent aux parties aériennes, elles possèdent plutôt des stylets ou des crochets mandibulaires qui permettent de découper ou percer finement. Ce sont surtout des Brachycerae à larve de type “asticot”.
Cependant, le rôle des diptères en tant qu’auxiliaires est extrêmement important : ce sont de grandes prédatrices (notamment des espèces de diptères ravageuses), généralistes ou spécialistes, et certaines espèces sont parasites de coléoptères et lépidoptères ravageurs.
Fonctions écologiques de larves de diptères du sol
Régulation des populations
La biomasse représentée par les diptères est énorme : dans certains systèmes, elle peut dépasser celle des mammifères et des oiseaux. Ainsi, rien que par leur nombre, les diptères jouent une rôle primordial dans le réseau trophique, aussi bien en tant que prédateurs que comme proie.
Bioépuration des eaux
Les larves aquatiques de diptères consommant micro-organismes et déchets organiques filtrent jusqu’à 2 litres d’eau par jour et par individu ! Leurs mouvements répétés permettent également la bioturbation des eaux stagnantes ou marécageuses. Étant des proies très recherchées par des prédateurs notamment terrestres, ils sont également à la base d’un transfert important de biomasse de l’eau vers le sol (sous forme d’excréments des prédateurs).
Recyclage de la nécromasse et production d’humus
Les asticots provenant des œufs pondus par les mouches dégradent la plupart des végétaux et des animaux morts, ainsi que les excréments. Ainsi, tout comme les fourmis, les larves de diptères ont un rôle essentiel dans l’assainissement de l’environnement, en limitant la dissémination de microbes pathogènes (pour les animaux comme pour les plantes). Leur action de décomposition et la bioturbation qu’ils réalisent participent également à la production de l’humus.
Pollinisation
Le rôle des diptères comme agents pollinisateurs, jusqu’ici peu considéré par les recherches scientifiques, apparaît de plus en plus comme étant d’une importance considérable. Ainsi dans certains systèmes, ils peuvent représenter plus de 50% des insectes butineurs.
Cultiver avec les larves de diptères du sol
Accueillir les syrphes
Les larves de syrphes sont des auxiliaires de culture intéressants, surtout pour la régulation des pucerons. La mise en place de bandes fleuries autour des zones de culture potagères permet d’attirer et de maintenir des populations de syrphes adultes qui ont besoin de pollen et de nectar.
Attirer les larves détritivores de diptères
Une stratégie pour éviter l’implantation des larves phytophages de diptères, c’est de chercher à combler les niches écologiques : la présence de matériel organique mort à la surface des sols par exemple, permet d’accueillir les larves détritivores de diptères, mais également les espèces prédatrices de celles-ci (aussi prédatrices des larves phytophages !). L’effet recherché est donc double : laisser le moins de place possible à l’installation des larves phytophages, et intégrer à l’avance leurs prédateurs.
Installer des mares
De nombreux prédateurs des larves de diptères dépendent de la présence d’eau (batraciens, libellules, tritons, etc..). Installer une mare naturelle sur votre terrain augmentera la biodiversité et permettra une meilleure régulation des populations ravageuses.
Installer des nichoirs à oiseaux et à chauve-souris
Oiseaux et chauve-souris sont également des grands consommateurs de diptères (ils consomment œufs, larves, adultes…). Encourager leur installation permet de réguler efficacement les populations.
Se prévenir de certains ravageurs
La mouche mineuse du poireau (Phytomyza gymnostoma) et la mouche de la carotte (Psila rosae) sont deux exemples de diptères ravageurs de nos cultures. Une manière de s’en prévenir est de protéger les semis avec des filets anti-insectes (pour éviter que les mouches y pondent leur oeufs) surtout pendant la saison de vol des adultes.
On peut aussi pratiquer la rotation des cultures pour éviter la succession de plantes de la même famille botanique. En effet la mouche de la carotte peut aussi infester persil, fenouil, céleri, et panais (qui sont toutes des plantes de la famille des apiacées), tout comme la mouche du poireau peut attaquer la ciboulette, l’oignon, l’ail et les échalotes (qui sont de la famille des alliacées). Ainsi, se faire succéder des cultures de la même famille botanique revient à installer des conditions optimales de développement des populations ravageuses.
En cas d’infestation, éviter d’utiliser les parties de plantes atteintes en mulch (on préférera dans ce cas un compostage chaud ou encore la méthanisation pour valoriser les déchets).
Quand cela est possible, semer clair, utiliser plusieurs variétés et mélanger avec d’autres plantes (aromatiques par exemple) peut suffire à éviter de gros ravages.
Attirer les prédateurs des œufs de diptères
Les staphylins et surtout les araignées seraient les plus à même d’empêcher les dégâts causés par les ravageurs (ils ont la particularité de consommer les œufs, contrairement aux autres prédateurs préférant les larves déjà actives). Pour les accueillir, l’installation de bandes enherbées ou de prairies naturelles près des cultures sensibles est à envisager, mais attention cependant : pour que ces prédateurs soient présents avant que les œufs n’aient le temps d’éclore, ils doivent disposer préalablement d’autres sources de nourriture (ce qui implique d’avoir un écosystème riche en biodiversité).
On évitera d’installer les cultures sensibles près de haies ou en lisière de forêt, ces conditions favorisant au contraire la ponte des ravageurs.
Un outil de contrôle du compost
La présence de drosophiles et de mouches soldats dans un compost est tout à fait normale. Une surpopulation peut cependant traduire un excès d’humidité et un certain tassement. Aérer le compost et ajouter plus de matières carbonées permettra de rétablir l’équilibre.
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PRUVOST G., Les Dossiers de Micro & Macro – Les larves de diptères du sol [en ligne], Chez le Père Magraine, 26/05/2018, 06/06/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-larves-de-dipteres-du-sol/
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Merci beaucoup pour cet article très interessant sur les larves de diptères. Du coup je vais les laisser dans mon compost.bien que je les trouve bien repoussantes !