Discrets, les cloportes ont tendance à fuir la lumière et les présences un peu trop curieuses… Mais que font-ils à l’abri des regards ? Micro & Macro font le point !
1 – Micro-bio : Qui sont les cloportes ?
2 – Au Microscope : Morphologie et cycle de vie des cloportes
3 – Biocénose : Place des cloportes dans le réseau trophique du sol
4 – Macrorama : Fonctions écologiques des cloportes
5 – Envie d’agir ? Cultiver avec les cloportes
Qui sont les cloportes ?
Les cloportes, aussi appelés « porcellions », sont des crustacés qui font partie de l’embranchement des arthropodes (qui possèdent des pattes articulées) et de l’ordre des isopodes (du grec isos, même et podos, pieds, en référence à leurs 7 paires de pattes de taille et de morphologie similaire). Ils sont les uniques représentants du sous-ordre des oniscides, seuls crustacés entièrement terrestres.
Plus de 4000 espèces d’oniscides ont été décrites mais chaque année, de nombreuses découvertes sont faites, notamment en milieu tropical.
Ils sont présents sur tous les continents, du littoral aux hautes montagnes et des forêts aux zones très sèches (comme les déserts nord africains). Seules les régions polaires ne semblent pas avoir été colonisées.
Ils sont généralement de couleur terne, allant de jaune-brun au noir en passant par le gris et leur taille varie de 1.5 à 60 mm.
Histoire des cloportes
Les plus anciens fossiles connus d’oniscides ont été trouvés dans de l’ambre de la baltique et datent de l’Éocène (-50 millions d’années). Cependant, la répartition actuelle des espèces à travers le monde suggère plutôt une émergence datant de la fin du Dévonien (-350 millions d’années).
Morphologie des cloportes
Tous les isopodes terrestres (comme marins) ont un corps constitué de plusieurs segments (métamères) plus ou moins soudés. On distingue :
- La tête (ou « céphalon ») constituée des 6 premiers segments soudés. Elle porte les organes sensoriels : une paire d’yeux composés, deux paires d’antennes (dont une très réduite et difficilement observable) et des pièces buccales de type « broyeur ».
- Le thorax (ou « péréion ») constitué des 7 segments suivants qui portent chacun une paire de pattes, ainsi que les orifices génitaux (mâle ou femelle) qui sont doubles.
- L’abdomen (ou « pléon ») est constitué par les 6 derniers segments soudés. Chacun de ces segments porte une paire de petits appendices ventraux possédant des fonctions diverses et variables (respiration, hydratation, reproduction etc).
Les oniscides étant les seuls isopodes terrestres, ils ont subi des modifications plus ou moins profondes du système respiratoire. Ainsi les espèces les plus primitives respirent par des branchies contenues dans des petites poches remplies d’eau. Les espèces plus évoluées disposent de structures respiratoires qui fonctionnent comme des poumons.
On distingue 5 grands types morphologiques qui sont en relation avec les stratégies de défense développées :
- Les coureurs au corps allongé et profilé. Leur stratégie est de fuir vers un abri lorsqu’ils sont dérangés (exemples : Triconiscus, Protracheoniscus, Porcellionides).
- Les cramponneurs au corps large et aplati. Leur stratégie est de s’agripper au support sur lequel ils se trouvent pour ne pas être délogés (exemples : Trachelipus, Nagurus).
- Les formes épineuses au dos couvert de pointes visibles. Leur stratégie est de se protéger derrière leur carapace pointue (exemples : Acanthoniscus, Echinodillo, Tridentodillo).
- Les rampeurs au corps de petite taille et allongé. Ils vivent toujours sous couvert et misent sur la discrétion avec leurs mouvements lents (exemples : Bathytropa, Graeconiscus).
- Les enrouleurs au corps très convexe (les segments sont voutés) et qui s’enroulent à la moindre menace. Leur carapace très lisse et épaisse les rends ainsi difficile à attraper (exemples : Cylisticus, Armadillidium).
Cycle de vie des cloportes : la nutrition
La plupart des oniscides sont détritivores c’est-à-dire qu’ils se nourrissent de matière végétale morte en décomposition. Ce sont également des opportunistes qui sont capables de modifier leur régime alimentaire selon les ressources disponibles. Ainsi, ils peuvent adopter un régime phytophage (se nourrissent de plantes vivantes), mycophage (se nourrissent de champignons), parfois nécrophage (se nourrissent de cadavres), coprophage (se nourrissent d’excréments) et même carnivore (se nourrissent d’autres animaux).
Cycle de vie des cloportes : la reproduction & le développement
Bien que la reproduction par parthénogénèse (division à partir d’une cellule femelle non fécondée) soit observée chez quelques espèces (exemple : Trichoniscus pusillus), dans la majeure partie des cas, les oniscides se reproduisent par reproduction sexuée (nécessité d’un accouplement entre un individu mâle et femelle).
Lors de l’accouplement, le mâle transfère son sperme de ses orifices génitaux vers ceux de la femelle grâce aux “stylets” copulateurs de l’abdomen. La femelle dépose alors ses œufs dans une poche appelée marsupium située sous le thorax, où les larves se développent jusqu’à éclosion.
Lorsqu’elles émergent du marsupium, les larves ont l’aspect d’adultes miniatures et se développent par des mues successives dont le rythme dépend de nombreux facteurs (température, état physiologique, taille, etc…).
Place des cloportes dans le réseau trophique du sol
Fonctions écologiques des cloportes
Des décomposeurs primaires
Tout comme les collemboles, mais à une échelle un peu plus grande, les oniscides sont capables de fractionner la litière du sol en petites particules facilitant ainsi la décomposition des matériaux organiques par les micro-organismes. De plus, leur tube digestif contient des bactéries symbiotiques permettant la décomposition de la lignine et de la cellulose. Ainsi, les excréments qu’ils libèrent participent à la stabilisation de la matière organique dans le sol.
Rôle dans le cycle des nutriments
Par leur comportement alimentaire, les oniscides jouent un rôle régulateur dans la quantité de carbone organique incorporé au sol. Leur carapace, riche en carbonates de calcium et en phosphates constitue également un “réservoir” de ces éléments qui sont “libérés” (rendus assimilables par les plantes) à la mort de l’animal.
Des régulateurs de l’activité biologique
Dans certains sols, les oniscides peuvent atteindre de très fortes densités et, comme les vers de terre, agir de façon indirecte sur la composition et l’activité des micro-organismes. Ainsi, il a été démontré que les oniscides avaient un rôle important dans la régulation des champignons mycorhiziens, particulièrement dans le cadre des changements globaux (augmentation des températures et excès d’azote dans les sols).
Symbiose avec les fourmis et les termites
Quelques espèces d’oniscides vivent en symbiose avec des termites ou des fourmis. Elles habitent alors le nid de ces dernières qu’elles nettoient en se nourrissant de spores de champignons et de divers déchets. C’est le cas de Plathyarthrus Hoffmannseggii, espèce commune en France, qui vit presque exclusivement dans des nids de fourmis.
Des bioindicateurs pour l’étude des pratiques agricoles et des sols pollués
Particulièrement sensibles à la qualité du milieu (habitats, ressources alimentaires, humidité), les oniscides sont d’excellents bio-indicateurs. En effet, les pratiques agricoles comme le labour intense, sont susceptibles d’affecter leur population jusqu’à 200 fois plus que d’autres arthropodes. Certaines espèces comme Porcellio scaber, sont résistantes à la pollution aux métaux lourds, et sont considérées comme des instruments de mesure de la contamination des sols.
Cultiver avec les cloportes et favoriser leur présence
Les oniscides sont des omnivores opportunistes mais la plupart préfèrent la matière végétale en décomposition. Ils représentent rarement une menace pour les cultures et des éventuels ravages peuvent être dus à un manque de matière organique morte disponible.
Les oniscides fuient la lumière et affectionnent l’humidité, ainsi pour favoriser leur présence, on peut installer des habitats tels que des pierres, des tas de bois mort ou de feuilles. Ils apprécient particulièrement les couvertures du sol.
Les travaux du sol détruisant ses horizons (organisation de ses couches) sont à éviter : ils réduisent fortement les sites refuge des cloportes. Ne binez pas trop fréquemment les abords des haies qui sont également des zones refuge. On évitera évidemment l’usage de pesticides, qu’ils soient de synthèse ou d’origine naturelle, ceux-ci y étant très sensibles !
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PRUVOST G., Les Dossiers de Micro & Macro – Les cloportes [en ligne], Chez le Père Magraine, 14/07/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-les-cloportes/
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