Les Dossiers de Micro & Macro – Les Limaces

Les limaces, nuisibles, ou indispensables en agriculture ? Micro & Macro font le point sur ces gastéropodes mal-aimés !

1 – Micro-bio : Définition et histoire des limaces

2 – Au Microscope : Morphologie et cycle de vie des limaces

3 – Biocénose : Dans le réseau trophique

4 – Macrorama : Fonctions écologiques de limaces

5 – Envie d’agir ? Cultiver avec les limaces

6 – Bibliographie

7 – Pour citer ce document

 

 

Qui sont les limaces ?

Tout comme leurs cousins les escargots, les limaces font partie de l’embranchement des Mollusques, de la classe des Gastéropodes (du grec « gastêr« , « estomac » et « poùs », « pied ») et de l’ordre des Stylommatophores (du latin « stilus », « stylet » et du grec « ommato », « œil » ainsi que « phorein », « porter »). En fait le terme “limace” est issu du langage courant et désigne les gastéropodes terrestres dépourvus de coquille.

Rien qu’en France, on dénombre plus de 400 espèces de gastéropodes terrestres (limaces et escargots confondus). Leurs couleurs sont assez variées, les plus communes pouvant afficher du rouge, du noir, du gris ou encore du jaune, et certaines espèces exotiques du rose et même du bleu.

Bien que dépendantes de l’humidité et de la fraîcheur ambiante, les limaces peuvent très bien s’accommoder de micro-climats sur quelques mètres carrés (on parle de micro-habitat). On retrouve ainsi des limaces à peu près partout à la surface du globe, dans des zones forestières et de sous bois, mais aussi près des berges, sous les rochers, dans les pelouses, dans les zones sauvages ou urbanisées et même dans les hautes montagnes. Quel que soit leur écosystème, les limaces passent 90 à 95% de leur temps dans le sol et ne sortent que la nuit ou par temps humide et frais.

 

Histoire des limaces

Les ancêtres des limaces sont des gastéropodes aquatiques. Grâce à l’évolution des branchies en poumons, les premiers à s’aventurer sur la terre durant le carbonifère (il y a 300 millions d’années) sont des escargots du genre Maturipupa. Au Crétacé (il y a 145 millions d’années) apparaît le genre Helix, plus représentatif des escargots actuels. Les limaces sont également issues de ce groupe et ont évolué en abandonnant leur coquille.

 

 

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Morphologie des limaces

Limaces et escargots ont une morphologie très proche. Leur tête possède 4 tentacules dont les 2 supérieurs portent les yeux. Les 2 tentacules inférieurs sont des organes tactiles (relatif au toucher) et olfactifs (relatif à l’odorat). Leur bouche est munie de 2 mâchoires garnies de petites dents ainsi que d’une langue. Elle est également équipée d’un organe propre à de nombreux mollusques : la radula. Il s’agit d’une sorte de lame munie de nombreuses dents qui forment une râpe permettant à l’animal d’arracher des particules de la matière qu’il veut ingérer.

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Les limaces sont une évolution des escargots qui ont perdu leur coquille. Cela leur confère une plus grande liberté de mouvement, et leur permet d’accéder à des espaces qui ne laisserait pas passer une structure rigide. De plus, en renonçant à la protection que constitue cette coquille, elles s’affranchissent aussi des besoins importants en calcium que peuvent avoir les escargots.

Chez la limace, juste derrière la tête, on retrouve ainsi une zone légèrement calcifiée appelée « bouclier » ou « manteau », qui constitue un reliquat évolutif de coquille. Sur la droite du bouclier, un petit orifice appelé pneumostome (du grec pneûma, souffle et stoma, bouche) assure la communication des poumons avec l’extérieur. La partie ventrale de la limace est appelée “pied” : c’est une partie musclée qui assure le déplacement. La zone en contact avec le sol est appelée “sole de reptation” (« reptation » est un terme qui fait référence au déplacement par ondulation de l’ensemble du corps sur le sol, comme pour les serpents).

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Lors du déplacement des gastéropodes, une glande située à l’avant du pied secrète un mucus lubrifiant qui, s’écrasant sous la sole de reptation, permet à l’animal d’avancer en glissant (entre 2 et 7 m par jour selon les espèces !).

Ce mucus hautement visqueux protège limaces et escargots de la déshydratation et ses propriétés antibiotiques assurent une protection contre les diverses infections.

 

Le cycle de vie des limaces : la nutrition

Les diverses espèces de limaces présentent des régimes alimentaires très variés. Elles peuvent être phytophages (se nourrissent de végétaux vivants, d’algues, de mousses), carnivores (se nourrissent d’animaux vivants), nécrophages (se nourrissent de cadavres) mais elles sont principalement mycophages (se nourrissent de champignons) et détritivores (se nourrissent de déchets végétaux et d’excréments).

Leur voracité est sans égal : une limace peut ingérer la moitié de son poids en une seule nuit. Enfin, les limaces ne produisent ni bile, ni sucs digestifs pour assimiler les aliments qu’elles ingèrent, notamment la cellulose (qu’elles savent pourtant broyer avec leur radula). L’assimilation des aliments se fait grâce à des levures (champignons Ascomycètes) présents sur les matières consommées. Ces champignons sécrètent des enzymes (protéines capables de déclencher et d’accélérer des réactions chimiques) appelée « diastases ». Les diastases permettent de dégrader les sucres complexes comme la cellulose ou l’hémicellulose en sucres plus simples. On retrouve ces levures en fortes concentration sur les Brassicacées (famille du chou), sur les céréales en cours de germination et lors de la fabrication de la bière, ce qui explique la forte attirance des limaces pour ces aliments.

 

Le cycle de vie des limaces : la reproduction

Limaces et escargots sont hermaphrodites, c’est à dire qu’ils possèdent les deux sexes. Ce sont d’abord les organes mâles qui sont activés puis les organes femelles. Cela empêche l’autofécondation et force la fécondation croisée (nécessité d’un individu mâle et d’un individu femelle). Selon les espèces, la femelle peut pondre entre 100 et 500 œufs, quelques jours à quelques semaines après l’accouplement. Ces œufs mettrons entre deux semaines et trois mois pour éclore, en fonction des conditions climatiques. Ainsi, les limaces peuvent générer jusqu’à deux générations par an, la période d’activité étant plus intense au printemps et à l’automne. Selon l’espèce, une limace à une durée de vie de 9 à 18 mois.

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Fonctions écologiques des limaces

Avec les champignons, les limaces sont les agents principaux du recyclage de la nécromasse (matière morte). Si les champignons sont les seuls à pouvoir s’attaquer à la lignine du bois, les limaces s’attaquent aux matières mortes dès le début de leur décomposition, lorsqu’elles sont encore gorgées d’eau ou en phase de flétrissement. Leurs excréments constituent ainsi un mulch prédigéré facilement accessible aux bactéries et aux mycéliums des champignons.

En s’attaquant à la matière fraîchement morte (avant la phase de putréfaction) ou affaiblie par une attaque microbienne, les limaces permettent également de réguler le développement d’organismes pathogènes. Elles s’attaquent également aux plantes subissant divers stress : c’est le cas des plants récemment transplantés. Leur système racinaire n’étant pas pleinement installé, ils subissent un stress hydrique, ce qui attire les limaces.

Le mucus laissé dans le sillage des gastéropodes est constitué de glycoprotéines (association de sucres et de protéines) et d’eau. Sa texture collante joue le rôle de liant et d’hydratant pour sol en favorisant la stabilisation du complexe argilo-humique.

Les limaces ne digèrent pas les spores des champignons qu’elles ingèrent : elles sont ainsi un vecteur majeur de leur dissémination. Les spores non digérés se retrouvent à distance  du champignon consommé, dans les excréments des limaces. Le mucus de ces dernières est par ailleurs un substrat idéal pour le développement des futurs champignons. Enfin, le déplacement des limaces permet la création de galeries bénéfiques pour l’aération du sol.

 

 

Cultiver avec les limaces

Les limaces sont des acteurs essentiels du réseau trophique (réseau des chaînes alimentaires) des écosystèmes et bien que leurs dégâts sur les cultures vulnérables puissent être considérables, chercher à les éradiquer est vain voire contre-productif.

Une population excessive de gastéropodes en surface peut traduire :

  • Un excès ou un apport récent de matière en décomposition à la surface (la mise en place de buttes autofertiles ou l’épandage de BRF entraînent souvent une prolifération de gastéropodes au départ).
  • Une végétation malade ou stressée (taille excessive, transplantation)
  • Une humidité excessive de la litière (souvent sous serres)
  • Un manque de matière en décomposition dans le sol (désherbage important ne laissant pas les racines dans le sol ce qui affame les limaces)
  • Un manque de champignons dans le sol (aliment préféré des limaces)
  • Un manque d’auxiliaires prédateurs des gastéropodes (comme les carabes)

Sachant cela, cultiver avec les limaces demande quelques techniques préventives pour contrôler leur population et éviter les attaques de plantes saines.

On pensera donc à :

  • Nourrir les limaces : favoriser la présence de champignons, mettre à disposition des déchets verts frais et faire des semis de Brassicacées dédiés aux gastéropodes. En offrant aux limaces la nourriture qu’elles préfèrent, elles seront détournées des cultures sensibles. On évitera la prolifération en suivant les conseils suivants !
  • Créer des zones d’accueil pour les auxiliaires prédateurs : des bandes enherbées tous les 140 m pour attirer les carabes, des tas de bois pour attirer les hérissons, une mare pour attirer les amphibiens, des haies pour les oiseaux etc.
  • Préférer le semis direct précoce à l’automne et au printemps pour que les jeunes plants soient suffisamment vigoureux à la sortie des limaces.
  • Éviter de recourir à la transplantation durant les pics d’activité des limaces.
  • S’il y a besoin d’un arrosage, arroser plutôt le matin (l’humidité les attire mais le soleil les chasse).
  • Autour des semis sensibles on peut mettre en place des barrières physiques qui empêchent les gastéropodes de circuler (paillage de prêle séchée, tiges épineuses etc). Les méthodes utilisant coquilles d’œuf, marc de café et autres poudres nécessitent un nouvel épandage à chaque pluie.
  • On peut utiliser des barrières olfactives qui éloignent les limaces des cultures sensibles (bourrache, tagète, ail, oignon, persil, pomme de terre, bégonia, armoise, gingembre, etc…).
  • A l’inverse, on peut aussi utiliser la méthode du “pot de miel” et détourner l’attention des gastéropodes en installant près des cultures sensibles des plantes encore plus appétantes qui leur seront dédiées (consoude, colza, tournesol, clématites, roses trémières, etc…).
  • On évitera les pièges à bière qui ne sont pas sélectifs et déciment d’autres insectes bénéfiques.
  • De même, le phosphate de fer (autorisé en agriculture biologique) est à proscrire car polluant des milieux aquatiques.

Pour l’identification des limaces et escargots (en France) :

Mini-guide d’identification des escargots et des limaces de l’Opération Escargots par le Muséum National d’Histoire Naturelle consultable ici : http://www.kiagi.org/assets/pdf/pdf_218.pdf

 

 

 

 

Vous pouvez librement faire référence à ce contenu dans vos articles, nous vous demandons simplement de citer l’article et son auteur de la façon qui suit :

PRUVOST G., Les Dossiers de Micro & Macro – Les Limaces [en ligne], Chez le Père Magraine, 23/01/2018, 04/06/2018 [consulté le XX/XX/XXXX], disponible sur : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-limaces/

Il vous suffit de remplacer « XX/XX/XXXX » par la date à laquelle vous avez consulté cet article 🙂

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8 Replies to “Les Dossiers de Micro & Macro – Les Limaces”

  1. bonjour et merci pour ce beau résumé sur les limaces!

    Donc, si je fais du compostage en direct sur les planches de culture, c’est plutôt cool pour les limaces – et moins cool pour les salades, c’est bien ça?

    1. Bonjour, merci à toi Kara ! 😀

      Oui c’est un peu ça, les limaces ne sont pas très sélectives dans leur voracité, donc si on leur apporte de la nourriture directement sur les cultures, celles-ci risquent de pâtir un peu… C’est d’autant plus vrai lorsqu’elles ne sont que de jeunes pousses ou tout juste transplantées 🙂

      Donner de la nourriture aux limaces, ça demande de prévoir leur régulation (sinon, bonjour la prolifération :D). Dans nos recherches à l’heure actuelle, on a identifié les carabes comme étant peut-être les plus facile à attirer (avec les fameuses bandes enherbées), mais il y a aussi les larves de lampyres qui en sont très friandes (des cousins des lucioles en voie de disparition qui réclament la totale absence de pollution lumineuse pour pouvoir prospérer, ce qui est un objectif moins simple à atteindre généralement).

      Ce n’est qu’à la fin de la chaîne (une fois que le compostage a été consommé, digéré et rendu au sol) que les végétaux pourront en tirer partie 🙂

      Le compostage de surface, c’est une façon d’enrichir le sol ou de réutiliser des déchets ? (peut-être même les 2 ? 🙂 )

  2. Bonjour et merci pour ce récap. c’est très utile pour comprendre l’ensemble des choses. C’est toujours un bonheur que je vois une de vos publications car c’est facile à comprendre et assez complet.

    Personnellement j’ai abandonné la lutte et ça fait deux ans que je ne mange plus de salade.

    J’ai testé de composter en surface et les limaces qui mangent les restes mangent aussi le jeune plant vigoureux qui est sur le chemin …

    Cette année j’ai pris des coureurs indiens pour tenter l’expérience de régulation en attendant que les prédateurs naturelles arrivent ou fassent leurs boulots car j’ai des orvets et des hérissons.

    Pour infos, la bave sert aussi aux limaces pour descendre des arbres plus rapidement, elles s’en servent d’un fil comme les araignées. J’ai une photo si jamais …

    1. Bonjour, merci à vous ! 🙂

      N’hésitez pas quand vous pourrez faire un retour sur les canards coureurs, il me semble qu’ils doivent être « dressés » avant de consommer les limaces par eux-mêmes (habitués progressivement à leur goût) mais je n’ai jamais pu le constater par moi-même ^^

      Pour la photo, je pense malheureusement qu’on ne peut pas en mettre en pièce jointe (en lien internet ça pourrait passer). Sinon, si vous êtes sur Facebook, vous pouvez la mettre en commentaire de l’article, voici le lien au cas où ! 🙂 https://www.facebook.com/chezleperemagraine/photos/a.455493514806259.1073741830.421862264836051/553871924968417/?type=3

      1. Concernant les canard, je les ai acheté dans un élevage amateur, ils n’ont pas été élevés en liberté, ils avaient donc peur de l’eau et ont mis un certains temps avant d’explorer leur milieu. Concernant leurs rapports aux limaces, je n’ai pas eu besoin de leurs apprendre quoi que ce soit. Par contre, j’ai déjà pu remarquer qu’ils voient et donc mangent que les grosses limaces.
        Pour vous m’en faire des potes je leurs donne les limaces dans ma main, ils se forcent à m’approcher, preuve qu’ils aiment vraiment ça, puisqu’ils prennent des risques.

        Pour la photo, c’était juste pour illustrer mon propos, elle a du vous parvenir.

        Bonne journée

    1. Bonjour ! 🙂

      C’est une bonne question ! C’est déjà utilisé et connu depuis pas mal de temps, mais cela ne peut pas être considéré comme une solution de long terme : l’idéal est de faire en sorte de favoriser leur présence, parce qu’ils ne sont pas déjà présents, cela indique peut-être un manque dans le réseau alimentaire de votre sol (ou simplement des conditions défavorables à leur installation). Pour le dire autrement, si les conditions ne sont pas réunies, l’introduction de nématodes parasitaires ne sera pas durable (et dans ce cas ça sous-entend de devoir les racheter chaque année). Vous pouvez également faire les deux : essayer d’installations des conditions qui leur sont favorables et ensuite tenter leur introduction 🙂 Voici le lien vers l’article des nématodes qui vous indique comment optimiser vos chances de les accueillir : https://chezleperemagraine.com/blog/micro-macro-nematodes/

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